À l'assaut du bonheur

« Au fond d’eux, ils savent pertinemment que vivre sa vie comme on l’entend n’est pas aussi simple que de poster une lettre ou de prendre une douche à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Surtout lorsqu’on décide de s’aventurer dans des sens interdits, de vivre en dehors des clous, en dehors de la sacro-sainte moralité. »

Qui a dit que les histoires des grands étaient simples ?

Que toutes les histoires qu’on retrouve dans les livres sont pure imagination ?

Et si l’imagination se confondait et s’émulsionnait avec la vraie vie ?

Ce récit raconte le Bonheur avec ses sursauts, ses questionnements, ses failles et ses victoires.

Retrouvez les personnages d’ « Un soir d’été en Sardaigne », leurs amours, leurs fantasmes, leurs batailles. Ils nous entrainent dans les tourbillons de la vie, Amour en tête quand le Bonheur n’en fait qu’à sa tête ! Rien n’est simple mais tout n’est pas impossible !


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I – MATÉO ET JULIEN

De retour en Sardaigne

« Les passagers du vol OLB 4052 à destination de la Sardaigne sont priés de se présenter à l’embarquement ».

Après les quelques formalités d’usage, Matéo grimpe deux par deux les marches, pressé d’entrer dans l’avion, Julien à ses trousses. Une grande émotion les gagne. De celle qui les oblige à regarder chacun dans une direction opposée. Quelle sera l’issue de ce voyage ? Vers quel destin au bouleversement inévitable se dirigent-ils ?

Une hôtesse, dans une tenue impeccable, foulard noué autour du cou, chemisier blanc manches courtes et jupe recouvrant tout juste ses genoux, ballerines noires, accueille Matéo d’un large sourire commercial. Matéo lui présente sa carte d’embarquement. L’hôtesse s’en empare, après un rapide coup d’œil, sans hésiter, lui désigne son siège côté hublot en lui rendant son ticket et en lui souhaitant « un bon voyage ». Sans plus attendre, elle pose son regard sur le passager suivant qui emboite le pas à Matéo, et qui n’est autre que Julien.

- C’est bon, nous sommes ensemble, lui crie-t-il en pointant Matéo du menton.

Une demi-seconde de silence lesté de plomb, s’installe entre eux. L’hôtesse se reprend immédiatement, vérifie le numéro de la place de Julien. D’un signe de tête et d’un filet de voix renouvelle ses bons vœux : « je vous souhaite un agréable voyage ». Retrouvant son sourire mis sur automatique lors de chaque vol, elle se dirige vers les passagers suivants, un couple avec deux enfants. Elle les devance pour les entraîner tout au fond de l’avion. Julien, hilare, s’assoit à côté de Matéo agacé. Celui-ci ne peut s’empêcher de se retourner au moment même où l’hôtesse la tête tournée vers eux, attendant que la famille prenne place, les observe.

- Julien, tu es content de toi ?

- C’est quoi ton problème ? J’ai juste annoncé que nous étions ensemble pour m’en débarrasser le plus vite possible. Je ne supporte pas ce sourire de femelle sûre d’elle. On est assez grands pour trouver notre siège tout seuls. Et, être ensemble ça voudrait forcément dire que nous baisons ensemble ? NON ! S’agace Julien.

- Ne sois pas vulgaire. Elle fait son boulot c’est tout et je t’en prie, baisse le ton!

- Arrête toi aussi de jouer les moralisateurs. Il n’y a encore personne assis autour de nous. Personne pour écouter aux portes. Alors, on pourrait tout simplement être deux copains, deux collègues de travail, deux frères… J’ai longtemps cru que nous étions demi-frères ajoute-t-il pour titiller Matéo.

Passée la stupéfaction de Matéo devant l’incongruité d’une possible fraternité entre eux, ils éclatent de rire. D’un rire libérateur. Néanmoins, Matéo ajoute, un peu sur la défensive :

- Hier j’ai lu sur Internet qu’une compagnie aérienne a débarqué un couple d’homos pour installer à sa place un couple d’hétéros.

- Je sais. Je l’ai lu aussi. Mais c’est arrivé en Amérique, ça n’arriverait pas en Europe.

- Qu’est- ce que tu en sais ?

- Allez détends-toi Matéo. Je me fiche du qu’en dira-ton, du politiquement correct. Personne ne m’empêchera de vivre ma vie comme je l’entends.

Au fond d’eux, ils savent pertinemment que vivre sa vie comme on l’entend n’est pas aussi simple que de poster une lettre ou de prendre une douche à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Surtout lorsqu’on décide de s’aventurer dans des sens interdits, de vivre en dehors des clous, en dehors de la sacro-sainte moralité. La liberté des mœurs n’est pas encore à l’ordre du jour. « Comme ils disent » a envie de fredonner Julien. Ils savent que la société est formatée pour une normalité dont ils ne font pas partie. Le regard des autres, les réflexions, les sous-entendus, la famille, surtout la famille qui ne comprend pas parce qu’elle refuse de comprendre. La famille qui se sent prise au piège d’une malédiction. Elle détourne la tête, refuse toute explication, se sentant un peu coupable « qu’ai-je fait ou pas fait » ? Tous deux savent surtout que ce voyage sera la certification ou pas de leur amour. Ils sont tendus et essayent de n’en rien laisser paraître.